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En souvenir de Fredy - Vigile 9 août 2013 (crédit: Patparazzi alias l'Oeil de la ville) |
mardi 13 août 2013
5 ans plus tard, peu de chose change...
Pas
facile de commenter l’évolution de Montréal-Nord depuis cinq ans.
Il n’est pas évident de trouver de grandes différences sur le
terrain. Encore une fois, le Québec semble avoir changé plus que
Montréal-Nord. En effet, la
société québécoise reconnaît au moins désormais, plus ou moins
officiellement, le profilage racial, ce qui n'est
pas rien, et a assisté à une longue enquête publique qui devrait
déboucher sur des réformes législatives – qui seront
insuffisantes, c’est vrai, pour contrer les abus policiers – mais
qui seront tout de même un gain, aussi modeste soit-il, pour le camp
de la justice sociale.
Mais
Montréal-Nord, pendant ce temps, est comme resté figée
dans le temps ou presque. On l’a vu la semaine dernière avec des
topos sur certaines chaînes de nouvelles qui donnaient la parole aux
mêmes personnes qu’avant le mouvement de justice pour Fredy, et
dont les propos étaient aussi vides qu’auparavant.
« Tout va bien, il y a pas de problème à Montréal-Nord
». Montréal-Nord Républik (M-NR)
avait dénoncé le maire à l’époque pour ces mêmes propos. On a
l’impression qu’on se bat contre la marée qui revient sans cesse
effacée le
travail effectué. Depuis cinq ans, depuis le lendemain des émeutes,
les élites locales veulent « tourner la page » et
retourner au « business as
usual ». À écouter les
nouvelles aujourd’hui, on a l’impression qu’ils seront bientôt
exaucés.
C'est
comme si Fredy n’avait pas vraiment existé, comme s’il n’y
avait pas vraiment eu de bavure policière, comme s’il n’y avait
pas eu traumatisme au Québec et dans Montréal-Nord, comme s’il
n’y avait pas eu ce qui a été, il semble bien, la plus longue
enquête publique du coroner de l’histoire du Québec. Ils veulent
passer à autre chose. Et non seulement on devrait, selon eux,
abandonner la lutte pour la justice, qui n’est pas finie, on ne
semble plus vouloir prononcer le nom de Fredy. On a même pas vu le
rapport que déjà, on voudrait faire comme si tout était fini et
que bientôt, Montréal-Nord va être comme le centre-ville de Tokyo
tellement ça va être beau et moderne.
Qu’est-ce
qui a changé à Montréal-Nord ? Sûrement pas les autorités,
celles qui sont finalement complices de la mort de Fredy. Côté
urbanisme, il y a les condos, une explosion de condos, les chiffres
sont éloquents. Il est apparent
que c’est la recette du maire pour neutraliser les résidents plus
pauvres du quartier. On les entoure de condos.
Le
maire a changé, maintenant,
on a ancien policier comme maire. Comme Jean-Loup Lapointe qui fait
maintenant partie du SWAT, le maire a eu sa promotion. Notre ancien
député fédéral, Denis Coderre, attend aussi sa promotion comme
maire de Montréal. Et là, on a appris que le député Dubourg de
St-Michel veut sa promotion au fédéral. D’ailleurs,
on ne sait plus
trop s’il faut parler de promotion ou de chaise musicale.
La
5e
revendication de M-NR suite à la mort de Fredy il y a cinq ans,
c’était la « reconnaissance du
principe selon lequel tant il y aura de l’insécurité économique
à Montréal-Nord ou ailleurs, il y aura de l’insécurité
sociale ».
Force
est à constater que, non seulement, il n’y pas eu reconnaissance
de ce principe à Montréal-Nord, mais que peu de gens réfléchissent
à cet élément crucial. Condos ou pas, les choses ne semble pas
s’améliorer ici, ne serait-ce que, à titre indicateur, le taux de
chômage des jeunes hommes à Montréal-Nord qui atteint maintenant
presque 20%. C’est pas rien. Il y a un impact à ça.
Il y a beaucoup
plus d’attention qui est mise sur la diabolisation de Dany
Villanueva, sur le fantasme des gangs de rue, sur les immigrants qui
respecterait pas les « valeurs québécoises », mais très
peu sur les causes profondes des malaises sociaux. C’est difficile,
très difficile d’amener l’attention là. Par ignorance ou par
volonté d’éviter le sujet ? C’est dur à dire.
Pour
certains, c’est effectivement difficile de réfléchir aux
phénomènes sociaux. C’est
un exercice ardu parce qu’il faut démonter des préjugés et,
plutôt que de les aider à faire ça, notre société bombarde ces
citoyens de propagande et d'horribles
propos que tiennent des « faiseurs d’opinion », des
commentateurs et des chroniqueurs qui disent vraiment, mais vraiment
n’importe quoi.
D’autres,
on le sait, ne veulent
pas qu’on parle des vrais causes de la misère parce qu’ils
vivent et bâtissent des carrières sur cette exclusion et cette
désaffiliation sociale.
C’est
notre drame. On a trop de jeunes et de moins en
moins de jeunes qui s’engagent dans la
société. Persuadés
qu’il s’agit d’une jungle où c’est chacun pour soi plutôt
que de s’unir et mieux comprendre et répliquer au système
impitoyable dans lequel on se trouve, l'on
s’aperçoit
que divisés, on est battus d’avance.
Il
y a cinq ans, l’ex-maire Parent soutenait que Montréal-Nord
est une ville
dortoir. Pour une partie de la population, c’est vrai. Ils
travaillent ailleurs et le temps qu’ils passent à Montréal-Nord
est relativement bref ou, en tout cas, ce temps-là n’est pas
consacré à une vie en communauté. C’est le mode de vie des
banlieues occidentales de notre époque. C’est très
individualiste, et c’est dur d’organiser cette masse de gens-là.
Mais il y a une
autre population que ni le maire Ryan, ni le maire Parent ni
maintenant le maire Deguire n’ont considéré comme de vrais
citoyens. Cette population-là, pour eux, elle est doit être
contenue. Du pain, des jeux, du communautaire, des marches pour la
non-violence, de la police souriante (ou pas) ; il s’agit
d’instruments de contrôle, comme on ferait avec du bétail.
Tout
ça, en attendant la prochaine crise et la prochaine explosion. Cette
population-là n’est pas mise de l’avant, elle ne fait pas
l’objet d’un travail de développement et d'enrichissement
social, elle est contenue.
S’il
y a une chose que l’affaire Villanueva a montré, c’est bien ça.
Même les organismes communautaires sont le prolongement des élites
dans la stratégie de contention, ça a été
montré maintes fois et c’est triste.
Ce n’est pas des
faveurs des élus qu’il faut, c’est un mouvement de citoyens
libres, conscients, lucides et qui sont protégés de la propagande
par leur propre sens critique.
C’est la seule
façon de changer vraiment Montréal-Nord.
Devant tous ces
défis, il y a une famille et un mouvement qui ne lâche pas le
morceau. C’est vraiment tout à l’honneur de cette famille et de
ce mouvement.
Frente a todas
estas dificultades, hay una familia, y un movimiento, que nunco dejo
de estar de pie, que se mantiene de pie frente a un sistema duro, que
no valoriza los sentimientos de una familia y de una comunidad, un
sistema que hace propaganda, que criminaliza, que defiende a los
poderosos y los opresores mientras deja de lado la justicia, la
solidaridad y la vida de los mas humildes.
Mais
c’est une lutte difficile et on souhaiterait être plus nombreux,
cinq ans plus tard. Il ne faut pas sous-estimer le support d’une
part non-négligeable de la population, on le sent rapidement en
faisant du tractage, et il ne faut pas oublier non plus qu’il est
toujours plus long de porter démocratiquement le changement que de
défendre le statu quo
en utilisant la démagogie.
Continuons. Un
jour, je pense, on verra se matérialiser dans le concret, dans le
tangible et dans le quotidien le fruit de la lutte pour la justice,
pour la vérité et pour la mémoire de Fredy.
Et,
d’ici là, ceux et celles qui mènent la bataille, dites-vous une
chose, très importante, dites-vous que même dans les moments
d’isolement, les moments d’ingratitude et les pires moments
d’adversité, dites-vous que vous au moins, agissez selon des
principes forts, que vous faite preuve de vertu et que vous pouvez
vous regardez dans un miroir sans remords, que vous n’avez pas à
vivre avec un sentiment de culpabilité ou de lâcheté. En attendant
de réparer l’injustice commise ici et les autres à plus grande
échelle, dites-vous que personne ne peut vous ôter ça et qu’au
contraire, vous allez en inspirer d’autres.
Montréal-Nord Républik
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